Le nénuphar, « waterlily » en anglais (lys d’eau), est une plante particulière qui a fasciné l’homme depuis l’Antiquité. Fleur lumineuse naissant au milieu d’eaux stagnantes et troubles, les propriétés et symboles que l’Homme lui a prêtées ont été nombreuses. Son nom commun, « nénuphar », vient de l’égyptien « nanoufar » qui signifie « les belles ». Dans l’Egypte Ancienne, le nénuphar exprime la naissance du monde : celui-ci ouvre ses pétales à l’aube, et les referme avec le coucher du soleil, il est également associée à la naissance des premiers dieux sur les eaux primordiales, l’Océan Noun. Par ces différentes caractéristiques, on lui donne des propriétés vivifiantes, anti-vieillissement et aphrodisiaques (propriétés qui sont de nos jours confirmées par la science). Celui-ci aidait donc les vivants à conserver leur vigueur, et les morts à renaître dans l’au-delà : d’où le fait que l’on retrouve des nénuphars ornant nombre de temples et tombeaux pharaoniques, quand la fleur n’était pas directement placée dans la tombe du défunt.
Dans les spiritualités bouddhistes et hindoues, le nénuphar a aussi une grande place. Il symbolise la révélation de l’esprit : le nénuphar immaculé s’ouvre sur les eaux sales, comme l’esprit doit s’ouvrir par-dessus la souillure du monde. Le coeur de l’Homme est semblable à une fleur de lotus clôt, qui doit s’épanouir avec la connaissance et la méditation pour révéler toute sa beauté.
Bouddha enfant, ses sept premiers pas Peinture murale du temple Mulagandhakuti Vihnara de Sârnâth Inde, XXe siècle de notre ère |
Enfin, le nénuphar représente dans la majeure partie des sociétés la fertilité. On dit qu’il est à l’image de l’organe sexuel féminin, en particulier dans les littératures d’extrême-orient où le mot « lotus » désigne expressément la vulve. Certains peuples, comme les Dogons du Mali, donnent même des feuilles de nénuphar à manger aux femmes allaitant et au bétail venant de mettre bas.
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Promenade sentimentale
Le couchant dardait ses rayons suprêmes
Et le vent berçait les nénuphars blêmes ;
Les grands nénuphars entre les roseaux
Tristement luisaient sur les calmes eaux.Moi j’errais tout seul, promenant ma plaie
Au long de l’étang, parmi la saulaie
Où la brume vague évoquait un grand
Fantôme laiteux se désespérantEt pleurant avec la voix des sarcelles
Qui se rappelaient en battant des ailes
Parmi la saulaie où j’errais tout seul
Promenant ma plaie ; et l’épais linceulDes ténèbres vint noyer les suprêmes
Rayons du couchant dans ses ondes blêmes
Et les nénuphars, parmi les roseaux,
Les grands nénuphars sur les calmes eaux. Paul Verlaine (1866)
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Ophélie (I)
Sur l’onde calme et noire où dorment les étoiles
La blanche Ophélia flotte comme un grand lys,
Flotte très lentement, couchée en ses longs voiles…
– On entend dans les bois lointains des hallalis.
Voici plus de mille ans que la triste Ophélie
Passe, fantôme blanc, sur le long fleuve noir.
Voici plus de mille ans que sa douce folie
Murmure sa romance à la brise du soir.
Le vent baise ses seins et déploie en corolle
Ses grands voiles bercés mollement par les eaux ;
Les saules frissonnants pleurent sur son épaule,
Sur son grand front rêveur s’inclinent les roseaux.
Les nénuphars froissés soupirent autour d’elle ;
Elle éveille parfois, dans un aune qui dort,
Quelque nid, d’où s’échappe un petit frisson d’aile :
– Un chant mystérieux tombe des astres d’or.
[…]
Arthur Rimbaud (1870)
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Sources :
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